dimanche 16 septembre 2012

Audrey Pulvar lit Messaour Boulanouar sur Fance Inter

http://www.franceinter.fr/emission-le-billet-d-audrey-pulvar-le-billet-d-audrey-pulvar-9

l'émission du mardi 20 mars 2012

Le billet d'Audrey Pulvar


Messaour Boulanouar

 

                                                        SOUS PEINE DE VIE


 J’écris une poésie d’un autre âge.  L’aveu est bien rare dans la bouche de ceux qui ont définitivement confondu écriture et credo. Au demeurant, ils peuvent– légitimement -, eux que les circonstances ont pétri dans l’argile de l’époque, s’en tenir à de robustes certitudes. Et partant, s’enfermer dans le coton de la gloriole à bon compte. D’assurer, dan l’homme obsédé par la lecture des visages, il n’y a que la profonde humilité de ceux que l’écriture travaille au corps au point de les dévorer entièrement. Entre l’oued et les remparts, parmi les livres investis comme autant de forêts obstinées  à ne pas livrer leurs secrets, Messaour Boulanouar veille dans tous les sens du terme. Bruissant poèmes et de vigueur latente dans le calme ordonnancement de son univers familier et familial. Lui rendre visite dans son élément, de pierres et de livres, procède, osons, me dire, la purification. S’il y a quelque part un territoire où la poésie pet à loisir donner cours à son utopie, il commencerait au seuil de la demeure de Messaour Boulanouar. Communément connu en sa ville des hauts-plateaux, Sour El Ghozlane, sous l’éloquent pseudonyme d’El Kheïr.
En cette veille anniversaire de Novembre, une fois de plus, la conversation se rapporte à la poésie. De Guillevic, plus précisément, dont il vient de calligraphier quelques poèmes. Des poèmes de Boulanouar, il en est peu question. Chez certaines personnes, avec l’âge, la pudeur tourne au suicide. J’écris une poésie d’un autre âge, s’obstine à répéter Boulanouar. Tant dis que s’entassent recueil sur recueil, indéfiniment repris sur le métier (on fait une bonne vieille Japy), splendidement agencés et n’ayant déjà rien à envier à un ouvrage édité. De temps à autre, il livre avec économie quelques vers. Portés par une voie réplique exacte de celle que l’on imaginait au poète. Ceci dit n’est que parenthèse qui se voudrait lyrique. La question incontournable est là qui rode et ne tarde pas à imposer son poids, angoissant mais implacable : que restera t-il de Messaour Boulanouar ? Moins qu’un autre, il n’est point en son pouvoir d’y répondre.

Le poète propose… Mais terre à terre, il faudra bien un jour identifier la main qui prend à la gorge le poète et qui, suprême châtiment, le condamne irrémédiablement à l’aphasie factice. Boulanouar, quant, à lui ne nourrit nul ressentiment, mieux l’édition, la consécration semblent des vocables barbares rapportés à l’acte magique qui fonde sa vie quotidienne.

A cet égard, peut- on à son propos ne pas penser en métaphores et appeler à la rescousse le vieil Hugo (dont il connaît par cœur les vers indignés consacrés à l’Algérie envahie). Le geste auguste du semeur restera t-il sans moissons pour l’heure, pour ceux qui l’ignorent, il existe un seul recueil édité de l’œuvre immense de Messaour Boulanouar. Que l’on prenne l’adjectif comme l’on veut.

 Ainsi au hasard de la fortune éditoriale Boulanouar a publié en 1963 aux éditions du Scorpion. La meilleure force, un gros volume de poésie regroupant des textes écrits entre 1956 et 1960. Paru en même temps que le recueil Algérie capitale Alger de Anna Gréki, La  meilleure force n’aura pas connu la même carrière ni les mêmes faveurs – mérités – qu’aujourd’hui l’indifférence entame, pourtant, par delà l’inconstante renommée la meilleure force a levé dans le creusé et la braise de la colère libératrice. Novembre, à coté de ses guerriers, avait également ses crieurs publics. « Le soleil (de novembre) ce matin là/avait sa voie de crieur public. » écrivait Anna Gréki.

Portés par le feu ils furent porteurs de feu. La médisance sous couvert de la critique, alliée aux frasques des épigones fabricants à grands renforts de rimes des hymnes tardifs déclare les crieurs publics hors de combat.

Hors la querelle des anciens et des nouveaux est à faire de circonstances. Et bien des avant-gardes ont cru inventer du fait de leur myopie. De part et d’autre de la controverse, la méprise y est pour quelque chose. Avec le temps, l’écorce cède, seul l’arbre demeure.« poésie militante dans laquelle on ne sent pas l’idéalisme artificiel qui se plaque sur le verbe comme un prêche de consolation… force tranquille et sûre d’une poésie qui, à aucun moment ne sent la publicité, l’artifice ; qui est loin des larmes et des sombres délectations qui traduit un tempérament ouvert sur la joie, l’exigence, tendu à l’extrême mais aussi d’une tendresse incomparable. » au risque de donner dans le détournement de texte, nous prendrons la liberté de reprendre l’approche de Mostefa Lacheraf, dans sa préface au recueil de Anna Gréki, à propos de la meilleure force. Dans ce torrent effréné, il suffit de se pencher sur quelques gouttes pour, à notre  avis, s’en convaincre :


« c’est notre loi
une fleur a germé dans le sang de vos cœur
une fleur a germé dans le sang de vos peines
une fleur a germé dans l’orgueil de vos rêves
fleur rare fleur solide fleur de joie de force. »


Parole nue. Crue. Réduite à l’essentiel d’une vision de la (réalité inspirante et inspirée, élémentaire), selon Eluard auquel Boulanouar voue un véritable trai et lucide- culte.               Parole de la clarté dans le dépouillement est aux antipodes du simplisme comme de l’épatant hermétisme de bon aloi derrière lequel se drape l’indigence créatrice. (Abeille aveugle ton travail m’éclaire.) . Tel est le blason naturel derrière lequel avance le poète enraciné dans les profondeurs rurales qui le cernent de leurs vérités. Si la poésie est de rigueur à l’heure du glaive (la mort est dans mes mains oisives)-, le désarroi n’est pas pour autant annihilé car (les murs de nos prisons sont pourris mais tenaces).
A l’extrême péril, l’homme ne perd pas de vue l’unité de son incohérence. Irréductiblement, il continu son jeu humain et n’arrive point à refréner ses élans contradictoires mêlant la joie à la peur et, partant, sauvegarde son indicible humanité. Il n’est point - comme on l’insinue – une simple volonté coulée dans de l’albâtre.

 

Articulé par la fatalité qui poursuit les héros des tragédies théâtrales. Le poète, à l’affût des moindres frémissements de l’homme observe, de l’intérieur de la mêlée « on rêve dans la honte, /on chante dans les ruines, / on rit malgré la peur, /malgré le dur souci de vivre ») pour la simple raison que « l’homme s’impose au brouillard comme la preuve claire / que la lumière règne dés que l’homme règne. »

De  telles citations tronquées sont équivoques. Elles risquent de donner une image fausse de l’œuvre de Boulanouar. A son corps défendant. Abstraction, intellectualisation, prêche, autant de travers qui en poésie sont mortels et fort loin de l’horizon poétique qu’il arpente à grands pas de paysan : racines, fleurs, étoiles, gel, blé, sève,  soleil, glèbe, ruche, autant d’éléments palpables ou perceptibles peuplant l’univers de celui que ne craint pas d’avouer : (je vis à ras de terre). C'est-à-dire au faîte de la création. 

Dans les poèmes gorgés de réel circule aussi un flot spirituel charriant foi et sueur humaines. Un lieu fertile (où l’épi lourd et plein à la tête pesante / remplace l’épi vide et triste).
Mais comment résumer un poème de deux cents pages fournis, une prise de parole agitée par une famine de silence séculaire ?

Un chant des enfers roulant à ciel ouvert les laves incandescentes de son éruption comme               « les voix de la terre, du ciel, et les voix mortes qui commandent depuis l’au-delà » (Jean Amrouche).

 

 

Il n’y d’autre issue, d’autre justice que de l’entendre intégralement. L’ironie, si un jour l’édition se piquait au jeu, voudrait que l’on remonte à La meilleure force, enfantée avant Serkadji. Si justice se  pouvait pour le poète.


Entre l’oued et les remparts El Kheïr demeure.


Abdelmadjid Kaouah


 

La meilleure force, Editions du Scorpion, 1963.

Révolution Africaine – nouvelle série – n° 1184 – 07

 

mercredi 12 septembre 2012


 OXYMORE
LE RENDEZ-VOUS LITTERAIRE HEBDOMADAIRE
sur Radio Canalsud 92.2 FM/canalsud.net
 

Une émission produite et animée par Majid K.                                                                             
Avec la collaboration de :  Leïla BOUTALEB

   DE  RETOUR SUR LES ONDES de CANALSUD TOULOUSE

JEUDI 13 SEPTEMBRE 2012 A PARTIR DE 15H30’

AU SOMMAIRE :
Livres lectures parutions, sons  musiques. Coups de cœur. Digressions

. Plein feux sur Camus 

   -Chroniques camusiennes

    Cinéma  une revue de presse sur l'adaptation du roman : Ce que le jour doit à la nuit de Yasmina KHADRA par Alexandre Arcady

     Polémiques  autour de Camus et sur le livre de Michel Onfray : L’ordre libertaire, La vie philosophique d’Albert Camus, Flammarion 2012.

      Présentation de : Albert Camus : Totem et tabou , Poltique de la postérité par Yves Anset, Presses Universitaires de Rennes, PUR, 2012

 Hommage Darwich :

4 ans après sa disparition document sonore : Darwich dit ses poèmes   

 L’invité surprise : Leïla BOUTALEB     lit Le Mimosa de décembre , récit de Keltoum STAALI                                                                                              
Cinespanà : L’affiche et les livres au miroir du cinéma espagnol                                    Parutions : ESPRIT BAVARD Textes & Images ALGERIE  autrement dite, autrement vue sous la direction Khadidja CHOUIT, SENCHO EDITIONS, 2012-09-12                                                      
Résonance générale, Cahiers pour la poétique , numéro 5-été 2012 : Sombrer en géographies sous la direction de Serge MARTIN-LaurentMOUREY-Philippe PAINI,L’Atelier du Grand Tétras, 2012                                                                                                       C
oups de cœur : Echos , reflets, mirages, recueil de Robert Bréchant, éditions Aden

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