mercredi 17 août 2016

Seamus Heaney 1939-2013




 From the Frontier of Writing
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Depuis la frontière de l’écriture

L’oppression et le vide autour de cet espace
quand, l’auto arrêtée sur la route, l’armée 
examine sa marque et sa plaque et, tandis qu’à la vitre
un soldat se penche, tu en aperçois d’autres 
sur la colline au-delà, qui observent 
derrière leurs mitrailleuses pointées sur toi
et tout est pure interrogation 
jusqu’à ce qu’un fusil bouge et que tu avances 
accélérant avec prudence et détachement –
un peu plus vide, plus épuisé, comme toujours 
par ce frissonnement de l’être, 
soumis pourtant, et docile.
Et tu conduis vers la frontière de l’écriture 
où tout recommence. Les mitrailleuses sur leurs trépieds ; 
le sergent qui répète au talkie-walkie
ton état-civil, attendant le braillement 
qui te libérera ; et le tireur d’élite 
qui te vise depuis le soleil comme un faucon.
Et soudain tu es au-delà, suspect mais libre, 
comme ayant gagné au travers d’une cascade 
le sombre courant d’une route asphaltée,
passant les voitures blindées, fuyant entre 
les soldat postés qui affluent et refluent 
pareils à l’ombre des arbres sur la vitre luisante.


(trad. Gérard CartierLa lanterne de l’aubépine – ( Le Temps des cerises, 1996.)

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